La réglementation du cannabis, un chantier national au profit de l’économie et du paysan
Le débat sur la dépénalisation de l’usage légal du cannabis au Maroc refait surface. Sur la table du Conseil de gouvernement de ce jeudi 25 février, son adoption a été ajournée à la prochaine réunion de l’Exécutif en vue d’un examen plus approfondi. Si le sujet n’est pas nouveau, l’approche, elle, l’est. Jusque là, la production et la commercialisation du Cannabis restent illégales au Royaume, dans un circuit qui lèse les petits paysans qui vivent de cette production, mais qui n’en profite pas autant que ceux qui le commercialisent illégalement.
Aujourd’hui, la science a prouvé que le cannabis peut-être utilisé à des fins médicales et thérapeutiques ou encore cosmétiques et pas uniquement à des fins « récréatives« . Pourquoi le Maroc n’en profite pas économiquement et socialement, à l’image de plusieurs pays développés comme le Danemark, l’Italie ou encore le Canada ?
Au Royaume, le débat revient sur la table depuis 2007, souligne un analyste qui a préféré garder l’anonymat. Cela dit, plusieurs facteurs ont fait que sa mise en œuvre ait longtemps traîné.
Le projet de loi qui était sur la table du Conseil, prévoit de réglementer toute activité liée à cette plante, de la culture jusqu’à la commercialisation, notamment l’import-export. Mais uniquement, à des fins médicales, industrielles ou cosmétiques et non récréatives. Tout cela sera soumis à des autorisations sous la supervision d’une Agence nationale spécialisée qui sera créée à cet effet.
Dans son projet de loi, le département de Abdelouafi Laftit précise que la légalisation du chanvre indien aura des effets positifs tant au niveau social qu’économique, rappelant ainsi les avancements qu’ont connus les lois internationales sur le cannabis en passant par l’interdiction de l’utilisation de la plante du chanvre indien à son autorisation pour des fins médicales ou industrielles.
Sur le volet médical, le PL fait référence à la Convention unique sur les stupéfiants dans sa version modifiée de 1972 ainsi que les nouvelles recommandations de l’OMS pour la reclassification de la plante qui comprend des avantages médicaux et thérapeutiques ainsi que ses différentes utilisations dans les domaines du cosmétique, l’industrie ou encore l’agriculture.
Le ministère de l’Intérieur a appuyé également son projet de loi par le développement que connait le marché du cannabis à usage médical, notant que les prévisions de croissance moyenne sont estimées à 30% au niveau mondial et 60% au niveau européen, ce qui a poussé, selon le même document, à se précipiter pour réglementer la plante notamment dans des pays comme le Canada, l’Australie, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Suisse, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark, l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, l’Allemagne, la Grèce, l’Inde, Malte, le Luxembourg, le Mexique, la Norvège, la Turquie, la Zambie, l’Afrique du Sud, le Ghana, la Chine ainsi que 30 états aux États-Unis.
Cela dit, plusieurs conditions sont à respecter pour le bon déroulement de ce processus de réglementation comme stipulé dans les articles du PL. L’article 5 indique ainsi que « la licence de culture et de production du chauve indien n’est délivrée que pour les quantités nécessaires pour répondre à la demande de l’activité de production pour des fins, médicinales, pharmaceutiques et industrielles ».
L’article 7, lui, stipule que le producteur devra avoir « une licence de culture et de production du chauve indien, être de nationalité marocaine, résider dans l’un des douars destinés à cet effet et qui seront désignés par décret, s’engager dans des coopératives spécialement créées à cet effet, et enfin être propriétaire de la parcelle destinée à cet effet ou avoir la permission du propriétaire ou un certificat délivré par les autorités locales qui prouve son exploitation de la parcelle ».
De plus, l’article 10 dudit PL, stipule qu’un contrat de vente sera nécessaire avec les entreprises de transformation et d’industrialisation du cannabis ou les sociétés d’exportations agrées, tandis que les livraisons seront effectuées sous la supervision d’une commission composée des représentants de l’Agence nationale, qui aura comme mission de réguler le secteur, et des autorités locales.
Selon l’analyste qui s’est confié à Hespress Fr sous couvert de l’anonymat, « il s’agit là d’un chantier énorme au profit du paysan, mais de l’économie nationale. Avec ce projet de loi, s’il est adopté, on passe vraiment à l’industrialisation de cette plante, sachant que le volume de production nationale est important et estimé à des milliards de dirhams. La culture, la production, la fabrication, le transport et la commercialisation du chanvre indien, tout cela deviendra une filière à part entière ».
Pour le paysan, qui jusque-là avait droit à quelques miettes de sa production, pourra avec l’adoption du PL, « bénéficier de subventions étatiques, demander un prêt auprès des banques pour développer ses infrastructures, recruter d’autres personnes, se constituer en coopérative et améliorer ses conditions de travail et de vie, et ce, en toute légalité « .
La réglementation des activités liées au chanvre indien obligera également les agriculteurs à se conformer à un cahier de charges, qui oblige les agriculteurs à faire une agriculture alternée pour la durabilité des sols.
Le point important soulevé par notre analyste, est que le PL a été présenté par le ministère de l’Intérieur et non le ministère de l’Agriculture. Pourquoi ? Selon lui, « le message politique qu’on veut transmettre est que ce projet n’appartient à aucun parti politique et qu’il s’agit d’un projet par et pour le pays« .
« Le projet a donc été présenté par le MI qui sera chargé de mettre en place l’arsenal juridique et de l’adapter en attendant la création d’une Agence nationale qui prendra la relève« , ajoute-il.
A suivre …