La montée du débat sur l’exploitation des minéraux des profondeurs marines au milieu des objections internationales

Mohammed TAFRAOUTI

Le Conseil de l’Autorité internationale des fonds marins (ISA) a conclu sa réunion à Kingston, en Jamaïque, alors que l’opposition mondiale aux plans d’exploitation des minéraux dans les profondeurs marines s’intensifie. Cette réunion a été marquée par des discussions intensives entre les États membres, les ONG, les scientifiques et les représentants des peuples autochtones, qui ont exprimé leurs préoccupations concernant les impacts environnementaux catastrophiques de cette industrie émergente.

Rejet mondial des tentatives d’accélérer l’exploitation minérale

La société The Metals Company (TMC) a fait l’objet de vives critiques après avoir annoncé son intention de demander un permis de minage dans les fonds marins d’ici le deuxième trimestre de 2025, soit par le biais de la loi américaine sur les ressources minérales des profondeurs marines, soit par l’intermédiaire de l’ISA.

Le gouvernement de Nauru a tenté de soutenir l’entreprise dans sa quête de permis, dans un contexte où il n’existe pas de cadre juridique clair régissant cette industrie. Cependant, la majorité des États membres ont rejeté toute tentative d’accélérer l’octroi de permis, insistant sur la nécessité d’établir des règles réglementaires pour protéger les écosystèmes marins avant d’autoriser toute activité d’exploitation minière.

En juillet 2023, les États membres de l’ISA ont décidé qu’aucun permis de minage commercial ne pourrait être approuvé dans les profondeurs marines sans la mise en place de réglementations appropriées, un point que le conseil a réaffirmé lors de sa dernière réunion.

La Secrétaire générale, Leticia Carvalho, a exprimé dans sa déclaration devant le Conseil de l’ISA sa profonde inquiétude face à l’annonce de la société TMC concernant le lancement de procédures pour obtenir des permis de minage en vertu de la loi américaine sur les ressources minérales des profondeurs marines de 1980.

Carvalho a confirmé que l’ISA demeure l’unique autorité compétente pour réguler les activités dans cette région en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, et que toute action unilatérale constituerait une violation du droit international et une menace pour le système multilatéral de gouvernance des océans.

Elle a souligné que le principe du « patrimoine commun de l’humanité » est la pierre angulaire de la gouvernance des océans, bénéficiant d’un large soutien international, indiquant que toutes les activités d’exploration et d’exploitation doivent se dérouler sous l’égide de l’Autorité afin de garantir l’intérêt public de l’humanité.

Elle a également salué les efforts des États membres dans les négociations pour établir des réglementations sur l’exploitation des minéraux dans les profondeurs marines, réaffirmant l’engagement du secrétariat à soutenir ces efforts et à fournir une assistance juridique et technique au conseil lors des prochaines étapes. Elle a conclu son discours en renouvelant son engagement en faveur de l’État de droit et de la coopération internationale pour garantir une gestion durable des ressources des fonds marins.

 

Risques environnementaux graves

Les ONG et les scientifiques ont mis en garde contre les conséquences environnementales graves du minage en profondeur, notamment la destruction des écosystèmes fragiles, car de nombreuses espèces marines uniques dépendent du fond marin, et tout dérangement pourrait conduire à l’extinction d’espèces encore non découvertes.

La pollution des eaux profondes : due à la poussière métallique et aux déchets pouvant se répandre dans la colonne d’eau, ce qui pourrait affecter la chaîne alimentaire marine. Le fond marin joue un rôle dans le stockage du carbone, et toute activité d’exploitation minière pourrait libérer de grandes quantités de dioxyde de carbone piégé, perturbant ainsi l’équilibre climatique.

Appels à un moratoire mondial

De nombreux pays et organisations environnementales ont appelé à un moratoire mondial sur l’exploitation des minéraux en profondeur jusqu’à ce que des recherches scientifiques suffisantes soient réalisées et que des politiques environnementales strictes soient établies.

Dans ce contexte, Matthew Gianni, cofondateur de l’Alliance pour la protection des profondeurs marines (DSCC), a déclaré : « Nous sommes à un moment crucial où les gouvernements doivent choisir entre protéger nos océans pour les générations futures ou permettre des risques non mesurés pouvant entraîner des dommages irréversibles. »

Des conseillers juridiques ont également noté que l’imposition d’un moratoire est la seule façon d’empêcher les entreprises d’exploiter les lacunes juridiques et de commencer des opérations d’extraction non réglementées.

Actions futures

Les discussions se poursuivent au sein de l’Autorité internationale des fonds marins (ISA) pour établir un cadre réglementaire complet afin d’éviter les impacts négatifs sur l’environnement marin. Les gouvernements et les organisations environnementales intensifient leurs campagnes pour accroître la pression internationale afin d’empêcher l’octroi de permis avant d’assurer une protection adéquate des océans.

Les scientifiques poursuivent leurs recherches sur les effets de l’exploitation minière en profondeur, ce qui pourrait entraîner l’adoption de politiques plus strictes à l’avenir.

Cette réunion reflète une prise de conscience mondiale croissante des risques environnementaux potentiels liés au minage en profondeur, alors que la pression augmente pour y mettre un terme jusqu’à ce que les écosystèmes marins ne soient pas menacés. Alors que certaines entreprises tentent de faire avancer l’extraction des minéraux, la résistance mondiale se renforce pour protéger les océans de la Terre en tant que patrimoine commun de l’humanité.

Il convient de rappeler que l’Organisation pour la préservation des profondeurs marines (DSCC) a été fondée en 2004 en réponse aux préoccupations internationales concernant les effets néfastes de la pêche en haute mer. Plus de 130 ONG, associations de pêcheurs et instituts de droit et de politique à travers le monde collaborent sous l’égide de la Commission de coordination des mers profondes pour garantir la protection des écosystèmes fragiles des profondeurs marines.

Madame Farah Obeid Allah, militante pour la protection des océans et fondatrice de « L’Océan et Nous », a déclaré dans une déclaration que « les mers hautes couvrent la moitié de notre planète et n’appartiennent à aucun pays, ce qui les rend vulnérables à l’exploitation. C’est notre patrimoine commun, et sa santé est essentielle à notre santé. Ceux qui se précipitent pour commencer l’exploitation minérale des profondeurs marines voient les perturbations géopolitiques actuelles comme une occasion d’ouvrir notre océan mondial à cette industrie imprudente—ce qui menace de saper le système basé sur des règles et la pluralité. Permettre à un seul pays d’extraire des ressources des mers hautes entraînerait une course vers le bas. Avec l’augmentation des risques pour la paix et la stabilité mondiale, les dirigeants mondiaux doivent s’unir maintenant plus que jamais pour garantir l’imposition d’un moratoire sur le minage en profondeur. »

La position des pays africains dans les discussions sur l’exploitation des ressources maritimes

Il semble que les pays africains, malgré leurs vastes côtes et un intérêt croissant pour l’économie bleue, ne soient pas fortement représentés dans ce débat. Cela reflète le problème de la position des pays en développement, en particulier africains, dans la prise de décisions environnementales et économiques cruciales, alors que leurs écosystèmes et leurs économies sont directement affectés.

Nous savons que 33 pays européens, dont la France et l’Allemagne, ainsi que le Canada et certains pays d’Amérique latine, ont appelé à un moratoire ou à un arrêt des activités minières dans les profondeurs marines. Cependant, l’absence d’une forte représentation africaine soulève des questions quant à cette exclusion de l’appel au moratoire.

Il est également à noter que, bien que les pays africains soient organisés en différentes instances régionales et internationales, ils ont du mal à unifier leur voix sur ces questions. Cette faiblesse de coordination réduit leur influence lors des négociations et entrave l’adoption de leurs intérêts de manière efficace. Bien que le continent africain soit riche en ressources naturelles et dispose de vastes côtes, son influence sur les décisions relatives à la gestion des océans reste limitée.

La question de l’absence se pose : est-ce dû à un manque d’intérêt des pays africains pour le sujet, ou à un manque de capacités diplomatiques ou à un affaiblissement de leur influence face aux grandes puissances économiques ? Quoi qu’il en soit, cela met en lumière la nécessité urgente pour l’Afrique de renforcer sa coordination régionale et d’affirmer sa position dans la gestion des ressources maritimes internationales.

 

 

 

 

 

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